Quoi ? A quoi bon aller en cours ? Franchement, ça m'inspirait pas vraiment, alors j'y vais pas. J'suis connue pour faire ce que j'ai envie. Puis genre j'ai besoin de prendre des cours pour savoir défiler. Je le fais naturellement. C'est mon père qui m'a refilé ça. Puis j'ai déjà posé aux Etats-Unis. Mais ça, Kiyomori, celui qui se prenait pour mon père et que je prenais à moitié comme tel il ne voulait pas l'entendre. Et ma mère conne comme elle est, est bien trop entichée de ce débile pour ne pas l'écouter. Enfin quoi qu'il en soit, je me retrouve à vivre avec ce qui me sert de famille maintenant, et je ne sais même pas pourquoi Kâsan a fait ça. Elle ne me donne même plus de nouvelles, c'est abusé quand même. Enfin bref, elle n'est pas là la question.

C'est dur de se remettre au goût de la société nippone, si bien que je ne suis plus habituée à marcher avec des chaussures plates. Enfin, des chaussons en l’occurrence. Mais c'est plutôt confortable. Bref, j'étais dans les couloirs. Aujourd'hui, j'avais opté pour une queue de cheval, et un rouge à lèvre rouge pétard. J'avais fait exprès de bien m'éloigner de mes couloirs, pour ne pas me faire emmerder par un prof qui passerait par là. Mes yeux noisettes parcouraient les murs du pensionnat, et avant même que je ne m'en rende compte j'étais chez les A.

Un soupire passa la barre de mes lèvres, tandis que je préférais me retrouver seule avec mon reflet. Appuyée contre un mur, je m'observais dans la vitre en face de moi, qui me renvoyait mon image. Je dois avouer que je me trouvais plutôt jolie, d'où le fait que j'étais en mannequinat. Je n'étais pas comme cette débile de Sakura qui se prenait pour ma sœur et qui n'avait aucun charme franchement. Je trouve qu'elle ferait mieux de se pendre. Putain j'en avais tellement marre de vivre là-bas. Au moins, j'étais toute seule dans ma chambre au pensionnat, et surtout, éloignée de cette famille débile, qui est construite sur l'hypocrisie et la fausseté. Beurk, à gerber. Enfin bref. Il pleuvait dehors. C'était doux, et j'étais toute seule. C'était agréable. J'ai soupiré. Que la journée pouvait être longue. Je déteste être ici, j'ai envie de retourner aux Etats-Unis.

Un paragraphe. C'était tout ce qu'elle avait pu écrire depuis la veille. Nadia soupira et tira son précieux carnet du fond de son sac, maudissant une énième fois ses professeurs de lui avoir donné autant de travail. Elle avait horreur  de laisser ses idées mariner dans un coin de sa tête pour s'adonner à une tâche bien moins plaisante que celle de mettre des mots sur ce qu'elle ressentait. Rien ne la frustrait plus que de devoir brider son imagination, ne soit-ce que le temps de faire un exercice de mathématiques. Rien ne pouvait retenir la fugacité d'un sentiment, et si elle ne s'emparait pas aussitôt d'un crayon, elle pouvait dire adieu à son élan d'inspiration. Autant dire qu'elle n'était pas d'humeur à plaisanter, aujourd'hui.

Chassant une mèche folle qui refusait obstinément de se coincer dans son chignon flou, la jeune fille s'engagea dans le couloir des A. C'était le moins bruyant, et de ce fait un lieu parfait pour laisser vagabonder ses pensées entre deux cours. Nadia se sentait bien ici, baignée dans cette atmosphère de calme et de sérieux. Elle s'accroupit, dos au mur, et fixa la page encore trop blanche sur laquelle son carnet s'était ouvert. Elle ferma alors les yeux et fit abstraction des quelques élèves qui passaient près d'elle. Mais une voix ne tarda pas à troubler le fil de ses pensées.

<< Hé, qu'est-ce que tu fais là, toi ? Ne savais-tu pas que cette place n’était pas faite pour les débiles de ton genre ? >>

Pensant qu'on s'adressait à elle, Nadia releva d'instinct le visage. Mais la personne qui s'était exprimée lui tournait le dos, lui offrant une magnifique vue de ses cheveux roux tombant en cascade sur ses épaules fines. Aya Hirano, forcément... Nadia se redressa lentement, et pencha la tête sur le côté pour voir à qui la jeune fille pouvait s'en prendre ainsi. C'était une jolie fille, que Nadia se souvenait avoir aperçue parmi les élèves de la fameuse classe D. Elle réprima un sourire amusé, et attendit la suite des hostilités. Qui sait, peut-être cette altercation pourrait lui inspirer un passage de son roman?

Après avoir passé quelques minutes à me regarder, j'ai reçu un message de la part de Taichi, qui me demandait où j'étais encore passée. Je m'apprêtais à lui répondre lorsque je fus sympathiquement interpellée par un élève de la classe de A. Ceux qui ne pouvaient miser que sur leurs notes pour se promettre un avenir. J'ai levé un sourcil, dubitative. Un soupir las a passé la barrière de mes lèvres une nouvelle fois, alors que je me redressais, pour la toiser. Pour qui elle se prend celle-la ?  Enfin, elle montre facilement qu'elle est bien stupide. Un rictus amusé a étiré mes lèvres, alors que je venais croiser mes bras sous ma poitrine, soutenant le regard de la gamine qui venait de s'amuser à m'insulter. J'ai légèrement rigoler. Voilà de quoi faire passer le temps au final.

J'ai levé les yeux au ciel, m'approchant d'elle, la détaillant dédaigneusement de la tête aux pieds. Et bien, si elle pouvait jouer aux princesses ici, elle n'aurait jamais fait le poids à New-York, où elle se serait littéralement fait écraser comme une vulgaire mouche. Qu'est ce que je fais ? Je lui lance une pique aussi, ou alors je réagis de façon plus subtile ? La subtilité, c'est la vie après tout. J'ai posé une main sur son épaule, et j'ai légèrement tapoter dessus, comme en signe de sympathie.


Capterait-elle la subtilité de cette phrase qui pouvait être comprise telle un compliment ou telle une pique ? Si elle se sentait d'humeur barreuse, elle entendrait l'ironie dont j'ai fait preuve, et avec laquelle je me suis amusée à faire passer un message bien désagréable. J'ai de nouveau croisé mes bras, souriant de mon plus beau sourire à cette fille devant moi. L'hypocrisie est une méthode que je connais bien. En toute honnêteté, j'aurai aussi bien pu faire théâtre quelque part. Ah lala. Trop de talent en moi, n'est ce pas ? Mais au final, ce qui a de nouveau attiré mon œil, ce fut les deux filles derrière elle. Je me suis légèrement décalée pour les observer. Une semblait apprécier la scène, mais sans trop de haine en elle. Une occidentale, avec un joli teint, et de beaux yeux. Mh. Ok, cool. Par contre, c'est l'autre qui m'a amusé, avec son regard dédaigneux à mon égard. Je leur ai de nouveau sourit, et je leur ai lancé un « Yo » aimable, accompagné d'un signe de la main. Au final, j'ai regardé la plus pâle des deux.


Oh oui, j'attendais ce qui allait suivre. Il était évident qu'aucune des deux, que ce soit l'asiat' qui m'a provoqué, ou celle-là ne laisserait passer ce que je leur avait lancé. Il serait trop compliqué au niveau de leur égo surdimensionné. Le mien se portait bien. Ce n'était pas des gamines de ce rang qui allaient réellement affecter ce que je pensais de moi. La sûreté permettait souvent de parer la bave des crapauds. Mon regard s'est ensuite posé sur la seconde occidentale. Je me demandais bien ce qu'elle attendait, et surtout, je me demandais ce qu'elle allait bien pouvoir faire à dire vrai. Je n'avais pas vraiment d'avis, si ce n'est peut-être qu'elle paraissait relativement sympathique, et surtout, semblait s'amuser à moitié de cette situation. 

Je me suis remise droite face à l'asiatique. De toute évidence, elle n'était pas japonaise. Je doute également que ses cheveux roux soient réellement naturels. M'enfin.