La nuit m’avait parue excessivement courte à vrai dire. Je l’avais passé à réfléchir tristement à ce qui allait se passer pour mon élève Minoru Takeda. Il n’était pas une cause facile à défendre, mais il avait cependant le droit à être encore un élève au sein de notre établissement, surtout lorsque l’on savait qu’il était en étude supérieure, ce qui signifiait qu’il était en partie intéressé par les études, même si cela ne s’étendait qu’à son domaine de prédilection : la boxe. Je trouvais, pour moi que ce garçon avait déjà effectué sa peine en côtoyant la mort d’un peu trop près, et qu’il devait aujourd’hui, avoir droit à sa rédemption, même si cela devait salir la réputation de notre établissement. Qu’est ce qu’une apparence face à une vie humaine ? Mais j’avais l’affreuse impression que la tête de ce lycée était en réalité une pauvre machine qui n’était là que pour produire du fric, et qui laissait les enfants se démerder seuls, quitte à gâcher définitivement leur vie, et les laisser tomber dans les travers de la facilité illusoire du monde de la nuit.
Je soupirai tristement, avant d’enfiler ma veste de costume, sur ma chemise blanche. Parfaitement sapé. C’était rare que je sois aussi classe. Ça n’arrivait jamais en vérité puisque je n’étais franchement pas à l’aise. Mais pour aider un élève, je serai prêt à tout, quitte à laisser ma vie tourner au cauchemar. Je pourrai toujours me tourner vers le théâtre, mais si ça vie à lui devenait un enfer, je ne donnais pas cher de sa peau. Surtout qu’il me semblait seul. Même si Shakespeare était là pour le soutenir, je ne doute pas que Takeda pourrait se détourner de lui pour ne pas lui porter préjudice. Je trouvai cette relation familiale réellement adorable entre eux, et il ne fallait surtout pas qu’elle s’écroule sous les démons qui les enveloppaient vicieusement, attendant le seul moment de faiblesse dont ils pourraient faire preuve pour les achever. Un triste soupir passa de nouveau la barrière de mes lèvres, alors que je me jurai silencieusement que je ne laisserai pas la vie achever leur relation que la mort avait déjà bien entamée. Ils étaient, à mes yeux, la vérité d’une relation familiale, la douceur du cocon rassurant. Ils étaient la famille que j’avais voulu avoir. Ils étaient ce qu’il y avait de plus beau et de plus fort. Leur relation était leur fil d’Ariane qui leur permettait de ne pas perdre pied. Mais ce lien, cette dernière attache était si fragile. Je me sentais enfin important. J’avais enfin ma place dans la société, et la cause de Takeda m’avait ouvert la porte sur mon avenir. Aujourd’hui, j’avais enfin une vie décente et raisonnable. Je m’étais sortit de ma décadence, sans trop savoir ce que je pourrai faire une fois lâché dans le monde qui m’entourait, mais j’avais la volonté de ne pas rechuter. Mais aujourd’hui, j’avais un but véritable, quelque chose de vraiment important à mes yeux. Mes élèves. Ils étaient mon propre fil d’Ariane à moi.
Je fis mon nœud de cravate, avec beaucoup de mal, mais tout de même avant de sortir mes chaussures en cuir, parfaitement cirées, et propres. Tellement stressé, je n’avais rien pu avaler, et m’étais contenter de prendre une tasse de café, avec deux morceaux de sucre pour ne pas tomber en hypoglycémie en plein rendez-vous. Vu le nombre d’heures durant lesquelles j’avais dormi, j’avais bien senti que je ne tiendrai pas la journée, et les cernes sous mes yeux le détaillaient bien. Je tentais de me calmer, en soufflant. J’étais capable de jouer devant mille ou plus personnes, mais j’étais incapable de passer devant mon directeur avec calme et diplomatie pour sauver mon élève. Je vous jure… Je me tapai le front, en fronçant les sourcils, avant de sortir, et de prendre le soin de fermer la porte derrière moi.
Pour être sûr de ne pas être en retard, j’étais parti une bonne heure en avance, tellement que lorsque je suis arrivé en salle des professeurs, on m’a regardé, les yeux écarquillés, surpris que je sois ainsi à l’heure. Il faut dire que j’étais le spécialiste du retard, parfois même arrivant tout juste pour commencer mon cours. Je ne m’étais pas encore fait taper sur les doigts. Je dois avouer que cela m’avait moi-même étonné, mais bon. Tout le monde était au courant de la journée qui m’attendait. Certains professeurs semblaient réellement touchés par la cause de Takeda. D’autres trouvaient inadmissible que nous ne le renvoyions pas directement. Je me serai bien battu avec. Mais je ne pouvais pas me décrédibiliser avant d’avoir sauvé Takeda. Je sentais que le stress montait, alors que j’étais assit à mon bureau, préparant mon plaidoyer mental, les coudes sur le bureau, les doigts croisés, et la tête baissées. Le temps me paraissait passer à la fois rapidement et lentement, ce qui me donnait l’occasion de stresser tout en pensant à comment tout allait se passer.
La sonnerie retentit dans l’enceinte du bâtiment, et je me redressai, limite au garde à vous, et droit comme un i. J’étais tellement tendu que ce n’en était pas viable. Je déglutis, avant de prendre la direction du bureau. J’eus cet étrange pressentiment que ça allait mal se passer, que j’allais peut-être devoir choisir entre mon poste ou la sécurité du jeune homme. Réajustant ma veste, je l’époussetai, avant de toquer à la porte. J’entrai, et je m’inclinai respectueusement.
« Bonjour Richijou, je suis Usami-Sensei, professeur principal de Takeda-kun. » déclarai-je en me redressant.
Je finis par m'asseoir, lorsqu'il m'indiqua de le faire, je tentais de paraître confiant. Lorsque Takeda-ku entra, je lui souris, pour le saluer.